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Le bar à poèmes
15 août 2015

Flavien Ranaivo (1914 -1999) : Chercheuse d’eau

4294_Flavien-Ranaivo[1]

 

Chercheuse d’eau

 

Colombe est-elle celle

qui dévale

le sentier rocailleux

et glisse telle

une pierre capricieuse

sur la pente abrupte

vers la fontaine ?

 

Chercheuse d’eau.

 

Elle descend,

prudente mais gauche,

s’accroche

à chaque fois

d’une main

aux feuilles d’aloès

lisses et pointues,

de l’autre

tient la cruche en terre

- en terre du pays –

Ne sont guère sûrs

ces pieds

nus

d’Imernienne.

A quoi peut-elle rêver

sous son lamba épais

qui moule néanmoins

des seins

que l’on devine durs,

lisses et pointus ?

- A quoi pouvez-vous rêver

Teint – d’ambre

Yeux – en – amande ? –

A quoi peut-elle penser

celle – qui - n’a – jamais – connu

ni joie ni tristesse

ni l’amour ni la haine…

Attirantes  pourtant

ces lèvres

menteuses :

tant elles sont

lisses et pointues.

Un souffle,

le souffle d’une brise

a tôt fait de brouiller

la chevelure noire.

A quoi peut-elle rêver

ce corps sans âme

qui brouille

l’âme du poète ?

Douce

 

déception.

 

Au tournant du sentier

l’attend

l’amant

sous le grand figuier :

- Dites, ô figuier qui regardez là-bas vers les rizières

et qui portez des fruits mûrs,

fruits du ciel ou de la terre ?

Est – ce sous votre ombre matinale

ou l’ombre du souvenir

que s’abrite- le – repiqueur – de – riz – vaincu – par – l’amour

qui s’est marié un jour d’été ?

Car ne suis,

ô figuier,

celle – qui –est vaincue – par – l’amour,

je suis l’amoureuse  qui aime.

Je voudrais me mettre sous vos branches

et envoyer un message à la lune,

cette lune là – bas que j’aperçois

par les interstices des feuilles.

Rendra ma voix plus harmonieuse

l’arrière goût amer de vos fruits

que j’essaie de cueillir :

ils sont trop hauts.

Celui – qui -  m’aime 

n’est pas à portée du bras.

Je saisis l’invisible

et ne lâche point prise.

Apportez – lui mes soupirs,

seul mon amant saura s’en emparer.

 

- Vous avez chargé le grand figuier

de me remettre un message,

car l’amontana a refusé de le prendre,

le voara de la plaine

n’a daigné vous répondre.

Je suis parti

car j’avais attendu trop longtemps dans le soir ;

j’ai marché

car j’étais las d’entendre les vaines promesses.

Dites - moi, colline,

où l’herbe verte s’est enflammée,

cette nuit de lune n’est-elle celle

du chant du coq ?

Elle ressemble plutôt à l’Ikopa

à la pointe du jour :

quelques reflets clignotent dans l’ombre.

J’ai creusé un fossé

dans l’espoir d’y trouver une fontaine

pour me désaltérer

et vous dites

que c’était pour cueillir l’eau des pluies.

La traverseriez – vous à la nage

ou en pirogue au printemps ?

Vous y noyeriez – vous en été ?

Revenez en hiver, vous trouvez un puits.

L’espace sera mon domaine,

la lune mon belvédère,

le ciel mon jardin,

les étoiles mes fleurs.

Je vous ferai signe

à l’orée de la nuit :

j’agiterai le pan de mon lamba.

Empruntez alors

le chemin que nous faisions ensemble,

repassez à gué

la rivière que nous rencontrions,

 et lorsque vous aurez

pour moi

poussé un soupir

les figues tomberont…

Amour fugace,

colin – maillard au clair de lune,

jeu d’antan,

n’est plus de mise

 

L’ombre et le vent,

Imprimerie de Tananarive (Madagascar), 1947

 

Du même auteur :

Epithalame (10/08/2016)

 

Vulgaire chanson d’amant (10/08/2017)

 

 

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