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Le bar à poèmes
8 août 2015

Roger Gilbert-Lecomte (1907 – 1943) : Sacre et massacre de l’amour

rglec[1]

 

Sacre et massacre de l’amour

 

 

I

A l'orient pâle où l'éther agonise 

A l'occident des nuits des grandes eaux

Au septentrion des tourbillons et des tempêtes

Au sud béni de la cendre des morts
  

Aux quatre faces bestiales de l'horizon

Devant la face du taureau

Devant la face du lion

Devant la face de l'aigle

Devant la face d'homme inachevée toujours

Et sans trêve pétrie par la douleur de vivre

 

Au coeur de la colombe

Dans l'anneau du serpent
  

Du miel du ciel au sel des mers
   

Seul symbole vivant de l'espace femelle

Corps de femme étoilé

Urne et forme des mondes

 

Corps d'azur en forme de ciel

 

 

II

 

 

Territoire fantôme des enfants de la nuit

 

Lieu de l'absence du silence et des ombres

Tout l'espace et ce qu'il enserre

Est un trou noir dans le blanc plein

 

Comme la caverne des mondes 

Tout le corps de la femme est un vide à combler

 

 

III

 

L'aube froide

Des ténèbres pâles

Inonde les pôles 

Du ciel et de la chair

 

Des courants souterrains de la chair et des astres

 

Au fond des corps de terre

Les tremblements de terre

Et les failles où vont les volcans du délire

Tonner 

 

Entez sur le trépieds

Celle qui hurle

La bouche mangée

Par l'amertume

En flammes du laurier de gloire

Écume 

De la colère des mers

La femme à chevelure

D'orages 

Aux yeux d'éclipse

Aux mains d'étoiles rayonnantes 

A la chair tragique vêtue de la soie des frissons

A la face sculptée au marbre de l'effroi

Aux pieds de lune et de soleil 

A la démarche d'océan

Aux reins mouvants de vive houle

Ample et palpitante

 

Son corps est le corps de la nuit

Flamme noire et double mystère

De son inverse identité qui resplendit

Sur le miroir des grandes eaux

 

IV


Visitation blême au désert de l'amour

 

Aveugle prophétesse au regard de cristal

Que les oreilles de ton cœur

Entendent rugir les lions intérieurs

Du cœur

 

Le grand voile de brume rouge et la rumeur

Du sang brûlé par le poison des charmes

 

Et les prestiges du désir

Suscitant aux détours de ta gorge nocturne

La voracité des vampires

 

Danse immense des gravitations nuptiales

Aux palpitations des mondes et des mers

Au rythme des soleils du cœur et des sanglots

Vers le temple perdu dans l'abîme oublié

Vers la caverne médusante qu'enfanta

L'ombre panique dans la première nuit du monde

Voici l'appel la trombe et le vol des semences

L'appel au fond de tout du centre souterrain

 

Danseuse unissant la nuit à l'eau-mère

Végétal unissant la terre au sang du ciel



 V


Comme Antée reprend vie au contact de la terre

Le vide reprend vie au contact de la chair

 

Je viens dans ton sein accomplir le rite

 

Le rythmique retour au pays d'avant-naître

Le signe animal de l'extase ancienne

 

Je viens dans ton sein déposer l'offrande

Du baume et du venin

 

Aveugle anéanti dans les caves de l'être

 

VI



Mais qui saurait forcer le masque de ta face

Et l'opaque frontière des peaux

Atteindre le point nul en soi-même vibrant

Au centre le point mort et père des frissons

Roulant à  l'infini leurs ondes circulaires

Tout immobile au fond du cœur l'astre absolu

Le point vide support de la vie et des tourments

Le secret des métamorphoses aveugles

 

D'où vient l'espoir désespéré

D'amour anéanti dans une double absence

Au sommet foudroyé du délire

Acte androgyne d'unité

Que l'homme avait à jamais oublié

Avant la naissance du monde

 

Avant l'hémorragie

Avant la tête

 

VII


Paroles du Thibet

Il est dit autrefois

Qu'errant éperdue dans l'informe

Eparse dans l'obscurité

La pauvre ombre sans graisse du mort
 

La bouche pleine de terre

Dans le noir sans mémoire tourbillonne il fait froid

L'espace ne connaît que le glissement glacé des larves

Soudain 

Si phalène que tente une lueur lointaine

Elle aperçoit la caverne enchantée

Le paradis illuminé des gemmes chaudes

Le règne des splendeurs et des béatitudes

Aux confins du désir essentiel

Qui jamais satisfait perpétuel se comble

 

A l'appel enivrant d'odeurs vertigineuses

Qu'elle y entre

Ombre morte

Et s'endorme

Pour se réveiller à jamais enchaînée

Engluée aux racines d'un ventre

Foetus hideux voué pour une vie encore

Au désespoir des générations

Roulé par la roue de l'horreur de vivre

 

Du vieux fœtus aïeul

A notre mère putride

La pourriture aïeule

En robe de phosphore
 

La reine démente

Qui fait et défait

Le destins et les formes

 

Et du corps étoilé 

De l'éternelle femme 

Livre les ossements à l'honneur de a cendre
  

Impose à l'orgueil de statue des chairs

L'horizontalité effroyable de l'eau 

 

Œuvres complètes. Tome II. Editions Gallimard, 1977

 Du même auteur :

Je n’ai pas peur du vent (08/08/2014)

Le vent d’après / le vent d’avant (08/08/2016)

Chassé – croisé du coma (08/08/2017)

Le fils de l’os parle (08/08/2018)

Illusion (08/08/2019)

Les quatre éléments (08/08/2020)

Testament (08/08/2021) 

 

 

 

 

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