Portrait par Jean-Pierre Laurens, 1908. Centre Pompidou - Musée national d'art moderne
Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas.
Meuse, adieu : j’ai déjà commencé ma partance
En des pays nouveaux où tu ne coules pas.
Voici que je m’en vais en des pays nouveaux :
Je ferai la bataille et passerai les fleuves ;
Je m’en vais m’essayer à de nouveaux travaux,
Je m’en vais commencer là-bas des tâches neuves.
Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante et douce,
Tu couleras toujours, passante accoutumée,
Dans la vallée heureuse où l’herbe vive pousse,
O Meuse inépuisable et que j’avais aimée.
Un silence
Tu couleras toujours dans l’heureuse vallée ;
Où tu coulais hier, tu couleras demain.
Tu ne sauras jamais la bergère en allée,
Qui s’amusait, enfant, à creuser de sa main
Des canaux dans la terre, - à jamais écroulés.
La bergère s’en va, délaissant les moutons,
Et la fileuse va, délaissant les fuseaux.
Voici que je m’en vais loin de tes bonnes eaux,
Voici que je m’en vais bien loin de nos maisons.
Meuse qui ne sais rien de la souffrance humaine,
O Meuse inaltérable et douce à toute enfance,
O toi qui ne sais pas l’émoi de la partance,
Toi qui passes toujours et qui ne pars jamais
O toi qui ne sais rien de nos mensonges faux,
O Meuse inaltérable, ô Meuse que j’aimais,
Un silence
Quand reviendrai-je ici filer encor la laine ?
Quand verrai-je tes flots qui passent par chez nous ?
Quand nous reverrons-nous ? et nous reverrons-nous ?
Meuse que j’aime encore, ô ma Meuse que j’aime.
Jeanne d’Arc, A Domrémy,1897
"D'où qu't'es donc ?"
Je répondais:"J'suis d'la Meuse..."
J'ai 84ans et je vis au Québec... mais ce matin, en me réveillant, ce sont les vers de Peguy qui me sont revenus en mémoire... "Adieu Meuse endormeuse..."
Merci à ma maitresse et à l'école laïque française de nous avoir appris cette poésie...
Le dimanche, mon père m'embarquait dans son beau canoë rouge, nous voguions sur la Meuse et je laissais ma main trainer dans l'eau...
Inoubliables souvenirs...