Mukala Kadima-Nzuji (1947 - ) : A bout de crucifiements
A bout de crucifiements
Il y eut un temps où des aubes morveuses se mouchaient sur nos têtes, où des
ciels crispés de colique s’essuyaient le derrière avec nos mains hygiéniques
bonnes pour des latrines mal faites
Il y eut un temps où des amygdales de haine crevaient dans nos gorges, où
nos yeux transpercés d’insomnie se consumaient au brasier des guerres tribales,
où couchés dans l’humus des forêts, la femme enceinte gratifiait de sa nudité les
herbes alentour, la fille vierge accouchait d’un bâtard sur la natte des feuilles
mortes et l’homme traqué par l’angoisse agonisait
en beuglant les noms de ses fils absents
Il y eut un temps…
et nous vivions blottis l’un contre l’autre, ayant pour seuls compagnons que
des monceaux de cadavres et la peur qui ridait nos visages d’adolescents.
Te rappelles-tu tout cela ?
Mais voici que l’aube s’efface, le ciel se rétablit. A bout
de crucifiements, nos cœurs ont butiné
sur la corolle de l’espoir
et nos mains sont propres
pour des tâches
nouvelles
Préludes à la terre, Editions Mont Noir, Kinshasa, 1971
Du même auteur : Balbutiements (12/ 01/2016)