Hauteur du lieu
(extrait)
I
Rien ici
où tenir
pas même un arbre
un muret
rien
seulement les herbes
là
jetées en vrac
comme dédiées à l’oubli
*
nulle route
dans cette ébriété de lignes
nulle pierre, nulle herbe
pour essarter la peur
le bleu menaçant
et la horde ininterrompue des dunes
dans la lumière
des silhouettes peureuses
font vaciller l’immense
ta main juste ta main
comme repère
ou illusion
marcher là
fouler ces friches de lumières
c’est réponse à l’oubli
*
Sur le chemin déhalé
l’herbe récidive avec peine
soumise aux cadences de la soif
dans les manufactures du vent
parmi les pierres
l’herbe sait
distrait la peur qui culmine
*
toujours ce gris
agacé
cette eau comme étourdie
où l’herbe palabre à loisir
là
l’amorce d’un talus
puis rien
peut-être
la terre séduite
et toujours ce gris
cette lancinante odeur du vertige
*
dès la première suée du jour
la terre se déshabille de ses rumeurs d’ombre
le vent s’éprend des dunes
soulève la pudeur du sable
déjà la lumière houleuse
baigne leur nudité
au loin
les routes ressassent l’exil
dans l’herbe
les voix des morts
(eux peut-être ont atteint
la marée de l’absente)
déjà
la peur te ressemble
(eux ont la paix torride
du sommeil)
*
La neige préface
ce lieu sans issue
visité par des vents apatrides
et ce blanc
qu’aucun arbre n’accuse
durer ici
relève du prodige
II
là-haut
le chemin attentif
à la terre démontée
foule les tentures de l’air
des motifs d’herbe
remaillent les fiefs de l’oubli
ici
chaque éboulement de pierre
est une confidence faite à l’abîme
*
au bord du néant
l’herbe dévore l’aire orageuse
des abîmes où se défont les fresques
d’ombres sous les huées de la lumière
et les mots jettent là
leur présence fortuite
in revue " Poésie Bretagne ", N° 5, Mai 1985
Du même auteur :
suite des ténèbres (13/09/2016)
Exil (13/09/2017)
La charrette (13/09/2018)